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Brochore Illusions

Illusions

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‘ La peinture n’est pas un loisir, elle est une tâche qui s’impose à l’artiste. Elle est le résultat d’une pulsion intérieure à laquelle on ne peut se dérober ‘

Hervé Bouhnik (Octobre 2007)

A quel moment précis le spectateur devrait-il détacher son regard des œuvres qu’il observe ? C’est la question qui s’impose à la découverte des oeuvres d’Hervé Bouhnik.

Il semble qu’un regard hâtif ne sera pas suffisant à atteindre le cœur de l’expérience esthétique ou émotionnelle qu’elles interpellent.

Le regard est happé dans l’œuvre, se noie dans les strates successives de couleurs.

Le pinceau d’Hervé Bouhnik est trompeur. Ici, il improvise une composition géométrique. Là, il élabore une structure abstraite en agençant contours flous et jaillissement de couleurs.

Mais à celui qui s’attarde, ces mêmes formes abstraites révèlent des motifs soudainement entr’aperçus qui percent la toile au travers des coulées de peinture.

La couleur s’enflamme, saillit du tableau, submergeant la toile dans son désir d’affranchissement où l’illusion domine.

On se sent en devoir d’entrer avec l’artiste dans une odyssée où nos seuls guides seront la couleur et les formes.

Des formes stables, bousculées par la turbulence chaotique des couleurs comme si dans un instant, elles allaient se dissoudre à l’état de taches fugaces et fragiles (motif du »11 septembre »)

Autre part, se dresse une forme immobile presque invisible sous les ricochets de couleurs insaisissables.

Dans un océan de nuances bleues, un tison rougeoie et embrase le tableau, changeant sa nature. Le titre de l’œuvre fait-il référence à un questionnement sur la nature de la création ?

Ailleurs encore, une toile aux tonalités sanguines s’adoucit à l’apparition d’une tache blanche : la pureté apprivoisant la passion.

Des éclaboussures de teintes violettes envahissent une toile jaune, mystère créé par l’illusion entre les deux et les trois dimensions, entre le cru d’une lumière solaire et l’émergence d’un inconnu parfois inquiétant. Voilé et dévoilé créent une métaphore du jour (nom de la composition)

Des figures géométriques s’entrelacent comme si elles dansaient au son d’une musique sur un fond aux tonalites changeantes

Un monde d’apparitions et d’illusions perce sous le pinceau rigoureux de l’artiste. La couleur devient expressive, les contrastes de teintes et de formes deviennent symboliques.

D’autres artistes avaient exprimé par un éclat de pinceau et de couleurs la fragilité de l’homme dans l’univers, mais la peinture abstraite a confié à la Couleur la fonction de législateur, créant ses propres lois, en recul sans références au monde réel.

L’originalité d’Hervé Bouhnik résulte des surprises qu’il nous réserve, des jeux de contrastes et des mirages qu’il impose au regard de l’observateur.

Quelle est la source de cette illusion créée ? Que se cache-t-il derrière ce monde de contraires ?

A connaître le personnage, on peut dresser rapidement des traits qui relient entre le créateur et son œuvre.

Artiste très nuancé mais aussi ingénieur qui évolue au quotidien dans le domaine des ordinateurs et du monde bancaire. Ces activités exigent grande exactitude, ordre et discipline.

Le conflit entre l’émotion, la force et le contrôle des pulsions existe également dans les fondements du Karaté, qu’Hervé Bouhnik pratique depuis son enfance.

Cette combinaison surprenante dans la personnalité d’un homme cartésien, d’un artiste délicat, son aptitude à modérer sa force physique pourrait être une explication de son langage : les contrastes, entre le géométrique et le flou, entre le dynamisme et l’immobilisme, la tension entre couleurs antagonistes.

L’acte artistique a accompagné Hervé Bouhnik tout au long de sa vie, jalonnée de changements. Va-et-vient incessant entre 3 continents : Israël, la France et les Etats-Unis. Il s’installera finalement en Israël, le pays qui l’a vu naître.

Comme il le souligne, ‘La peinture n’est pas un loisir, elle est une tâche qui s’impose à l’artiste. Elle est le résultat d’une pulsion intérieure à laquelle on ne peut se dérober’. Son témoignage confirme sa personnalité : la conjonction d’un artiste mu par le besoin d’exprimer, et l’homme du travail qui connaît les injonctions de la discipline.

La peinture a constitué pour lui une échappatoire durant les périodes difficiles de sa vie.

Il semble que dans sa recherche de stabilité, il explore les chemins vers un équilibre à l’aide de formes géométriques. Les destructions sont représentées par des tourbillons et des couches de couleur ou inversement, sont-elles la résonance d’une vie personnelle régie constamment par la destruction et la reconstruction ?

Les thèmes de ses peintures sont le reflet de sa vie. Ils témoignent de sa quête incessante de stabilité, ou alors sont-ils le signe d’une déception liée à sa perte ou son absence.

Beaucoup de peintres ont essayé de décrire cette quête de l’équilibre dans un monde imprédictible. Les compositions d’Hervé Bouhnik, par un style original et unique amènent le spectateur, même involontairement, aux mêmes questionnements, aux mêmes réflexions sur le langage de l’art et ses facultés infinies liées à ses moyens d’expression : la forme, la ligne et la couleur.

Dr Nava Sevilia Sadeh 

(traduction : Lula Oram)